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Au Canada, le pouvoir d'adopter des lois sur les cours d'eau est de compétence fédérale, mais le contrôle de la qualité de l'eau potable relève des provinces. L'eau embouteillée, considérée comme un aliment, est assujettie à la loi fédérale sur les aliments et drogues alors que les prises d'eau et la tarification sont sous la responsabilité des provinces. L'entretien des réseaux d'aqueduc appartient aux municipalités, mais ces infrastructures sont généralement payées par des impôts que perçoivent les provinces ou le pays.

Cette fragmentation des compétences qui parfois se chevauchent est aggravée par un manque de coordination à l'échelle nationale et doit être repensée, affirme Kathryn Furlong, professeure au Département de géographie de l'Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en gouvernance urbaine, de l'eau et des services publics.

Si, au Québec, la taxe municipale inclut ce que nous appelons la «taxe d'eau», cela s'avère insuffisant pour assurer l'entretien des aqueducs, qui doit être couvert en partie par les taxes et les impôts que prélèvent les gouvernements fédéral et provincial. Cette façon de faire a des effets pervers, estime la professeure. «Si une part de nos impôts était spécifiquement allouée à l'eau potable, les municipalités pourraient utiliser cette source de financement pour effectuer un entretien plus efficace des infrastructures. Mais ce n'est pas le cas actuellement», déplore-t-elle.

Abondance trompeuse

Avec 25 % des réserves mondiales, le Canada est l'un des pays les plus riches en eau potable de la planète. Mais cette abondance serait surestimée.

«Environ 60 % des réserves canadiennes sont dans des zones inhabitées, précise Kathryn Furlong, et il n'y a que 2,6 % de nos réserves qui peuvent être renouvelés sans que le niveau des cours d'eau en souffre. L'eau des Grands Lacs, par exemple, est faiblement renouvelable et un abaissement du niveau de ces lacs causerait d'importants problèmes de navigation. L'Alberta et la Colombie-Britannique doivent quant à elles affronter des périodes de sècheresse dans leurs régions du sud.»

De plus, quelque 2000 communautés rurales doivent de façon quasi permanente faire bouillir leur eau, un problème qui touche particulièrement les communautés autochtones. Selon la professeure, notre «abondance» est donc trompeuse et constitue l'une des causes de notre mauvaise gestion de l'eau.

La privatisation n'est pas la solution

L'habitude de plus en plus répandue de consommer de l'eau embouteillée pourrait bien empirer la situation en privant les municipalités d'une source de revenu. L'eau embouteillée provient souvent d'aqueducs municipaux et, dans de tels cas, l'entreprise privée ne paie que le cout de production, alors qu'elle encaisse les profits de la vente. «Le public paie donc le traitement de l'eau et le recyclage des déchets. C'est une activité commerciale privée qui implique un investissement public», souligne Kathryn Furlong.

La privatisation des services d'aqueduc ne lui apparait pas non plus être la bonne solution. «L'arrivée des entreprises privées dans les services d'eau potable a connu un pic dans les années 90, surtout en Amérique latine, mais ce ne fut pas une solution au manque d'eau potable dans les quartiers défavorisés, où les résidants ne peuvent pas payer cette ressource. Là où les pouvoirs publics devaient financer l'entretien des infrastructures au-delà d'un certain seuil, les compagnies privées ont laissé grimper les frais afin de ne pas avoir à assumer ce cout. Aujourd'hui, le privé n'a plus la cote dans le dossier de l'eau potable.»

Par ailleurs, plusieurs pays ont constitutionnalisé le droit à l'eau potable, mais cela ne s'est pas nécessairement traduit par un meilleur accès à cette ressource, a constaté la chercheuse.

Pour Kathryn Furlong, la solution aux problèmes que rencontrent les municipalités canadiennes passe plutôt par une rationalisation des lois et règlements. La réforme qu'elle entrevoit devrait accorder aux municipalités plus de pouvoir pour collecter des fonds destinés à la gestion de l'eau ou encore assurer le transfert d'une part des impôts fonciers à cette gestion.

Daniel Baril
Source : Université de Montréal

 

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