Texte cosigné par Mathieu Laneuville, PDG de Réseau Environnement et Catherine Lavoie, PDG du CERIU (Centre d’expertise et de recherche en infrastructures urbaines)
Les images qui ont circulé d’un « geyser » au cœur de notre métropole ont suscité de l’intérêt, et même, de l’inquiétude sur l’état des infrastructures en eau, au point de questionner les priorités politiques. Est-il si surprenant de voir une conduite se détériorer au point de causer une rupture et des dégâts aussi importants? Après tout, il est reconnu que 18 % de nos infrastructures en eau, incluant les chaussées les recouvrant, sont en mauvais ou en très mauvais état au Québec.
Stéphanie Grammond souligne avec justesse dans son éditorial du 22 août que promettre de nouveaux projets peut paraître plus payant politiquement que d’entretenir les réseaux existants. Pourtant, il a été prouvé qu’investir dans nos infrastructures en eau est rentable sur le plan économique. Voilà ce que Réseau Environnement a démontré en parrainant une étude des HEC Montréal et du Groupe Agéco en 2021. Depuis, le plus grand regroupement de spécialistes en environnement du Québec plaide sur toutes les tribunes que l’entretien des infrastructures en eau est avantageux pour les finances publiques : le retour sur investissement y est de 1,72 $ pour chaque dollar investi!
Un déficit qui continue de se creuser
Les infrastructures en eau du Québec, en incluant toujours la chaussée les recouvrant, accusent aujourd’hui un déficit de maintien d’actifs de 45 G$, selon le Portrait de des infrastructures en eau des municipalités du Québec (PIEMQ) du CERIU. Malgré l’urgence, les infrastructures en mauvais état pourraient être réhabilitées si des interventions étaient planifiées rapidement. Ce n’est toutefois pas le cas des infrastructures en très mauvais état. Ainsi, au rythme des investissements actuels, les factures s'allongent inévitablement tandis que les infrastructures fragilisées mais rattrapables atteignent un point de non-retour.
Elles devront alors être remplacées à une cadence accélérée, demeurant vulnérables aux impacts climatiques. Et bien sûr, à un coût plus élevé.
Les bénéfices de services d’eau adéquatement entretenus
Au-delà des économies engendrées et des retombées économiques, investir dans nos infrastructures en eau engendre des bénéfices évidents pour l’environnement, la santé et la sécurité. Des réseaux adéquatement entretenus et résilients aux événements météorologiques extrêmes, de plus en plus fréquents et intenses en raison des changements climatiques, occasionnent moins de pertes d'eau et moins de débordements. Des réseaux efficaces diminuent aussi les rejets dans nos cours d’eau, assurent un traitement et une distribution d’eau potable plus efficaces jusqu’à nos foyers, commerces, écoles et hôpitaux, en plus d’en garantir la fiabilité en cas d’urgence. Il en va de même pour le portefeuille des citoyens comme des entreprises et des organisations : pensons seulement aux coûts économisés en indemnisations.
Il ne faut pas céder au découragement face à l’actualité des derniers jours, qui peut nous laisser croire à un scénario catastrophique pour nos infrastructures. La bonne nouvelle est que d’investir dans nos services d’eau est rentable, bon pour notre environnement et notre santé. Le meilleur moment pour investir dans nos infrastructures en eau sera toujours hier. Le deuxième meilleur moment est donc aujourd’hui. Au travail !
Mathieu Laneuville, ing., M.Sc.A. - Catherine Lavoie, ing., M.Sc.